Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Avancer mais à quel prix
30 avril 2008

Salariat ... ou comment travailler plus pour gagner moins !

g22bBonjour,

Bradages de l’emploi, emplois précaires et chômeurs en solde… Fini les CDI vive les CDD ou le nouveau et alléchant « contrat projet » qui arrive sur le marché de l’emploi… une solution peu honorable pour quelques millions de travailleurs pauvres dans les divers secteurs publics ou privés mais qui arrangent les finaux qui en sont les auteurs.
« La précarité généralisée que le MEDEF propose actuellement aux syndicats de salariés ».

Samie.

Tous précaires : le contrat de « projet »
Quel merveilleux vocable ! Le « projet » vous ouvre l’avenir radieux de l’emploi mais... cache une tout autre réalité : la précarité généralisée que le MEDEF propose actuellement aux syndicats de salariés.

Conseillère prud’homale, je tiens une permanence juridique sur le net qui me permet d’avoir une vue statistique au fil des ans de la sinistralité du code du travail.
Le contrat de « projet » actuellement proposé aux syndicats de salariés dans le cadre de la négociation sur le travail est la généralisation du contrat de chantier que l’on trouve dans le Bâtiment et les Travaux publics.

S’il n’y a guère de sinistralité du contrat de chantier dans le BTP c’est pour une unique raison : le secteur manque de main-d’œuvre donc, en pratique et parfois par le biais du très border line prêt de main-d’œuvre d’une entreprise à l’autre, la continuité du contrat de travail initial est en général maintenue et bien souvent jusqu’au départ en retraite du salarié.

Cette situation très particulière ne se retrouvera pas forcément dans d’autres secteurs.

Prenez les SSII dans l’informatique : avec le contrat « de projet » le régime des intermissions disparaîtra car l’informatique ne fonctionne QUE par projets.

Plus grave, ce type de contrat va prendre le dessus sur tous les autres parce qu’il peut s’appliquer dans un grand nombre d’activités au sein des métiers dans le privé mais aussi dans le public :

Prenons les monteurs d’opérations dans un Office Public de l’Habitat - vu les visées gouvernementales en matière de logement social ils sont quasi au chômage technique - ce type de métier aujourd’hui en CDI dans les organismes d’HLM risque de se retrouver en contrat « de projet » : un contrat pour le montage d’une opération de construction.

On ne sait pas combien d’enfants seront inscrits en maternelle l’année prochaine : contrats « de projet » pour les enseignants mais aussi pour le personnel d’entretien de la classe présumée surnuméraire avec fin du contrat à l’orée des grandes vacances histoire de ne payer que 10 mois de travail sur 12.

Un édile souhaite une maternité dans sa ville : on ne sait pas si le nombre de naissances rentabilisera le service : contrats « de projet » pour les sages-femmes, infirmières et obstétriciens mais aussi pour tout le personnel de maintenance des locaux.

Un artisan souhaite ouvrir une nouvelle boulangerie, c’est évidemment « un projet » dont on ne sait trop s’il sera viable donc, désormais, pour le salarié boulanger et la vendeuse contrats « de projet ».

Je suppose qu’il en sera de même dans l’industrie pour la création d’un nouveau modèle de voiture et ainsi de suite ...

A la sortie il n’y a plus que la gestion d’un patrimoine fixe qui sera susceptible d’échapper à ce genre de contrat : peut-être la gestion d’un cimetière demeurera-t-elle en CDI !

Que chacun s’interroge sur les activités qui, dans son secteur professionnel, sont soumises à fluctuation et il parviendra sans doute à la même conclusion que moi : le risque évident de généralisation du contrat « de projet » assorti du licenciement amiable pour fin de l’objet du contrat, fait peser sur LES SEULS SALARIES le poids des incertitudes entrepreunariales en laissant à la très hypothétique bonne volonté collective le soin de financer les inter « contrats de projet » par le régime ASSEDIC .

En effet, alors que « l’emploi » est, paraît-il, depuis des années au cœur des préoccupations gouvernementales, le budget afférent à son financement ne cesse de diminuer... et le président nous explique qu’il n’y a plus d’argent... sans compter que les chômeurs sont évidemment « responsables » de leur situation...

Quelle alternative proposer ?

Comme une entomologiste, ma permanence juridique sur le net m’a permis d’observer une pratique de contournement du « détachement » qui, à la réflexion, et avec des aménagements, pourrait être une alternative au contrat « de projet ».

Le « détachement » se pratique par exemple dans les métiers des jeux vidéo :

Il faut savoir que la réalisation d’un jeu vidéo est aussi chère que la réalisation d’un film : rares donc sont les entreprises qui peuvent assumer totalement un projet et, par conséquent, la sous-traitance avec ses aléas est le mode ordinaire de travail.

La charge de travail est donc très fluctuante. Par contre, une fois la commande arrivée, c’est le « coup de feu » si bien qu’un volume de personnel minimal doit être maintenu en permanence.

Ce personnel doit, de plus, garder un niveau de très haute technicité.

Dans ce contexte de très vive concurrence et de charge de travail continuellement fluctuante, les ingénieurs développeurs de jeux internet aspirent néanmoins à pouvoir maîtriser leurs conditions de vie : accès au logement, au crédit, etc.

La spécialité n’étant pas courante et hautement technique, ils ont toujours exigé et obtenu des CDI qui n’en demeurent pas moins des « contrats de projet implicites ».

En effet, par accord tacite entre employeurs et salariés, la profession s’est organisée pour répondre au défi permanent de l’emploi dans le secteur par une forme de prêt de main-d’œuvre qu’ils appellent « détachement ».

Cela consiste lorsqu’un projet est terminé à ne pas licencier pour cause économique le salarié mais à l’envoyer renforcer l’équipe de développement d’un autre projet chez un concurrent.

Le contrat de travail demeure en vigueur avec l’entreprise d’origine.

En contrepartie l’entreprise bénéficiaire octroie à l’entreprise d’origine une contrepartie financière dites « d’immobilisation de poste » qui est un package indemnitaire comprenant :

• le salaire ;

• l’immobilisation du bureau et du matériel de l’intéressé ;

• l’éventuelle participation à l’indemnisation du licenciement transactionnel futur de l’intéressé au prorata du nombre de mois dans l’entreprise d’accueil

• etc.

En effet, au terme du « détachement » le salarié peut :

soit être intégré définitivement dans l’entreprise d’accueil si cela s’avère possible ;

soit réintègre l’entreprise d’origine et là, ou bien il y a du travail et on le lui attribue ;

ou bien il n’y en pas, et une transaction est signée suite en général à un licenciement fictif pour cause personnelle.
On observe donc une pratique qui ressemble à ce « reclassement » qu’on tente désespérément d’introduire dans le licenciement économique dont le MEDEF souhaite absolument se débarrasser. **

Le « contrat de projet » mettra à mort ce système très apprécié des salariés qui tiennent à la continuité du contrat initial et ne demandent pour l’heure que des aménagements au système de « détachement ».

Les salariés ont quelques reproches à faire au système :

d’une part une difficulté plus grande à accéder à la formation professionnelle continue qui est absolument nécessaire dans ce type de métier - l’employeur d’origine préfère axer son effort de formation sur le personnel en place dans son entreprise, le salarié lui sait qu’il est prélicenciable et il veut évidemment améliorer ses compétences ;

certains avantages comme les tickets restaurant, la mutuelle de groupe, etc. ne semblent pas suivre les salariés ;

il y a du laisser-aller dans la gestion de ce personnel par exemple pour les visites médicales obligatoires ;

enfin les salariés qui subissent souvent des frais de transport imprévus estiment que si l’employeur s’en tire avec au minimum une neutralisation du coût de leur poste et en général un gain financier, eux, par contre subissent par la voie de la mobilité une perte de pouvoir d’achat. Ils souhaiteraient donc avoir une « indemnité de mobilité ».
En fait, toutes ces revendications sont des aménagements minimes très aisément négociables.

Inutile de vous dire que ces salariés ne veulent pas du « contrat de projet » et que pour eux ce fameux « détachement » aujourd’hui très proche du prêt illicite du main-d’œuvre doit perdurer.

Alors plutôt qu’un nième contrat, le « contrat de projet », si nous revendiquions la généralisation et l’encadrement du « détachement » ?

Il y a en tout cas urgence à se mobiliser pour éviter une précarité généralisée de tout le salariat qu’il soit public ou privé.

** NB : C’est souvent le défaut de reclassement qui fait la sinistralité du licenciement économique et la prolifération de toutes les pratiques de contournement du licenciement économique que constitue l’explosion du licenciement pour cause personnelle, de la transaction, de la démission arrachée par harcèlement, etc.

gif_idefix_os

Par madame Carnac pour le journal Agoravox.

Publicité
Publicité
Commentaires
Avancer mais à quel prix
Publicité
Publicité