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Avancer mais à quel prix
22 février 2008

Les mots dits ...

i11cBonjour,

Belle campagne que celle qui est ouverte à tous les mots, les bons comme les plus colorés, aux plus verts ...

Samie.

L'UMP ou l'extension du domaine de la vulgarité
Par Didier Peyrat, magistrat et écrivain. La politique se brutalise, son langage verdit. Et pas seulement à la tête de l'Etat, à Pontoise aussi, où le candidat UMP fait preuve d'une élégance très relative.

Nicolas Sarkozy, depuis des années, ne se contente pas de mener un combat de grande envergure pour l'avènement d'une société différente, synchrone avec le nouveau monde ultra-libéral, enfin conforme aux besoins du capitalisme illimité. En même temps qu'il essaye de faire sauter de vieux équilibres politiques et toutes sortes de conquêtes sociales, il mène une véritable guerre du style, en multipliant les escarmouches sur les terrains de la sémantique et de la gestuelle. Dans sa nouvelle « civilisation », il n'est pas question de seulement « travailler plus », il faudrait que se modifient, aussi les façons de dire, de se vêtir, et de se montrer. Du sommet à la base de la société.
Le spectacle de l'excès verbal nous est offert à profusion depuis 2002. «Kärcher», «racaille», etc. Personne n'a oublié la scène affligeante d'un président de la République roulant des mécaniques face à un pêcheur exaspéré : «Qu'est ce qu'a dit ça ? C'est toi qu'a dit ça ? Ben descends un peu le dire ! Descends un peu... si t'as des...» ! Ray ban, tics nerveux et réparties machistes, façons de nouveau riche avec Rolex exhibées… Un rustre postmoderne est-il parvenu à la tête de la sixième puissance du monde ? Voici que l'exemple est donné, et la pratique de se répandre… De «racaille» on passe carrément à «salope» (Patrick Devidjian), à «glandouille» (Fadela Amara), puis «con» et «imbécile»… La République est-elle devenue une cour de récréation, le conseil des ministres et le bureau politique de l'UMP des bistrots mal famés, des salles de garde ?

La grasse campagne de Philippe Houillon
Cette officialisation de la vulgarité est une catastrophe éducative. Survenant au pire moment, dans une société qui se cherche, elle aggrave quelques failles menaçantes dans les entrailles du vivre-ensemble. Mais il est possible que cette rupture dans les manières de parler ait peu à voir avec des traits de psychologie personnelle. Si c'est un dérapage, que celui-ci soit parfaitement contrôlé. On peut en effet y déceler une stratégie délibérée du « passage en force » dans la société. Pour la nouvelle droite façonnée par le sarkozysme, il n'y a pas que des gens à convaincre : il y a quelque chose à casser, à grands coups de marteau. C'est pourquoi le langage politique n'est plus principalement employé pour dialoguer, il sert à montrer des muscles. Probablement se dit-on qu'intimider prend moins de temps que convaincre.
Cette brutalisation du verbe politique sape la construction patiente des médiations dont une société complexe, imprévisible et conflictuelle aurait besoin. Après cela, les déclarations du Président expliquant que les élèves des écoles devraient apprendre les règles élémentaires de la politesse peuvent difficilement être prises au sérieux.
Mais on assiste à une extension du domaine de la vulgarité. Je me permets d'évoquer un exemple local. A Pontoise, où je mène la liste de gauche pour les municipales, depuis des semaines, mon concurrent de droite aux élections municipales, Philippe Houillon, maire sortant UMP, mène une étrange campagne contre moi : il me traite partout de «Chochotte» (sauf bien sûr quand il m'a en face de lui). Dans un déjeuner du club de rugby local, dans un discours de réunion publique, dans la presse. Cela devient systématique. La dernière illustration est dans le Nouvel Observateur du 14 février 2008 (supplément Paris Obs), où je me fais encore «traiter» de «chochotte» par notre sarkozyste de choc.
Voici comment on «élève» un débat, lorsqu'on se nomme Philippe Houillon. Mais allons y voir de plus prés. Que signifie cette expression qualifiée de «familière» et «péjorative» par le Grand Robert, lequel souligne qu'elle est en général employée pour faire «allusion à l'homosexualité masculine» ? Le mot n'est donc pas que trivial, il se veut, dans l'esprit de Philippe Houillon, également dépréciatif. Pourquoi, en effet, ce mot là, et pas un autre, pour tenter de me discréditer, et auprès de qui exactement ? Il est aisé de le deviner : ce qualificatif renvoie d'évidence à une idéologie homophobe et/ou misogyne.

Critiquez mes idées, évitez les bassesses
Il n'est pas inutile de se souvenir, à cet instant, comment Philippe Houillon avait réagi lors de l'adoption du Pacs à l'Assemblée Nationale, en 2000 : «Vous avez cédé à la pression d'un groupuscule... L'engrenage est irréversible, et c'est celui de la décadence !» (débat du 7 novembre 2000). Le «groupuscule», c'était la majorité de gauche au parlement, à laquelle se joignaient quelques dizaines de députés de droite moins crispés que les autres et un peu plus au fait de l'évolution des mœurs. Que Philippe Houillon soit très à droite, au point que parfois les mots qui sortent de sa bouche renvoient vers un lexique plutôt habituel à l'extrême droite («décadence !») ne pose pas problème en soi. Après tout, il n'est pas le seul : il y a de tout à l'UMP, y compris un député-maire (à Argenteuil) qui menace d'employer un gaz malodorant pour faire fuir les malheureux SDF de sa ville ! Dans la tendance ultra-droite de l'UMP, on peut certainement trouver pire que Philippe Houillon.
Je voulais juste souligner ici que l'usage systématique d'un vocabulaire vulgaire concerne, au delà de moi, des milliers de citoyens de ma ville. Tous ceux qui estiment qu'un élu de la République doit le respect à tous, y compris à ses adversaires, et que le respect, cela commence par le langage. Cela fait du monde.
Cher monsieur Houillon, s'il vous plaît, ne rendez pas impossible la tâche des professeurs des écoles, des éducateurs et des parents qui tentent d'enrayer la poussée des mauvaises manières dans la société cynique, y compris en reprenant les enfants sur leur façon de parler. Calmez-vous. Réfutez-moi, critiquez mes idées, mais évitez les demi-insultes, les grossièretés, les bassesses. Vous n'êtes pas dans un bizutage, mais dans un débat républicain. Revenez à un minimum de courtoisie, au moins dans l'espace public.
Croyez-moi, dans la ville de Camille Pissarro et de Maria Deraismes, ville d'art et d'histoire, ville de subtilité et de civilité, il n'est pas interdit, il est recommandé de faire preuve d'un peu d'élégance. La politesse n'est pas tout à fait un détail, et le style, c'est l'homme. Pontoise n'a pas besoin d'un maire vulgaire. Elle n'aspire pas à être conduite par un tonton flingueur et diviseur, mais par un fédérateur, correct à l'égard de tous. Un maire urbain, tout simplement.
Et puis, ce rappel aux bonnes manières, transmettez-le donc à votre ami Nicolas Sarkozy. Car tout se tient. Vous et lui aussi.

Idefix

Jeudi 21 Février 2008
Didier Peyrat pour le journal Marianne.

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