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Avancer mais à quel prix
22 avril 2008

Au cinéma ce soir ...

g22bBonjour,

Orly, 20heures, les badauds sont tous là pour applaudir à l’arrivée des otages délivrés, rendus à leur liberté après avoir été quelque peu malmenés par des pirates sans scrupules …Une foule compacte savamment sélectionnée par le gouvernement se tient en rang serré autour de ces beaux et fiers jeunes gens entourés par quelques hommes armés. Des forces spéciales commandées par El Libérator, venu ce jour-là en personne féliciter ses troupes et réconforter les malheureux otages de retour au pays. L’affluence se presse sur le tarmac où s’est posé l’avion officiel chargé de ramener les prisonniers. La foule braillarde est en liesse, la cocarde aux couleurs nationales fièrement portée sur la coiffe des femmes et le galurin des hommes, applaudit chaleureusement à l’heureux évènement sous l’œil ravi d’El Libérator. Celui-ci, dans toute sa superbe, emporté par l’ivresse de la victoire, s’apprête à tenir son discours de bienvenue aux héros de cette mésaventure. La larme à l’œil et le corps frissonnant d’orgueil, El Libérator s’adresse alors à son peuple présent et dépenaillé. Majestueux comme à son habitude, il parle haut et fort de cet instant solennel dont tous se souviendront ; de la bravoure des otages et de la hardiesse de son armée. Une cérémonie pompeuse comme El Libérator les aime. Après avoir chaudement félicité tout ce petit monde, sous le regard ému de la populace émerveillée, et après avoir regardé sa montre, il ordonne aux forces spéciales de disperser la foule de miros et d’édentés, l’invitant à reprendre le travail qu’elle a laissé le temps d’accueillir et d’applaudir à cette généreuse cérémonie !
- Dans le rôle d’El Libérator : Monsieur Nicolas Sarkozy.
- Dans le rôle du peuple         : des travailleurs comme vous et moi, ayant renoncé à se soigner faute de moyens.
- Dans le rôle de l’armée        : les Forces spéciales employées par le personnage principal.

Samie.

Le meilleur rôle de Sarkozy : Ponant le barbare

Après ce spectacle, vous n'allez pas dire encore qu'il ne fait pas Président, Nicolas Sarkozy, parfait dans son rôle de chef de l'Etat, chef des Armées ! Ah ! Comme il était beau, comme il sentait bon le sable chaud et l'autorité retrouvée notre super Sarko, dans son activité préférée de libérateur d'otages. Activité qu'il avait découverte et aimée depuis la prise d'otages par « Human Bomb » à la maternelle de Neuilly où il a, dit-il, appris ce que pouvaient être la douleur du courage et le bonheur de prendre un enfant par la main et de l'offrir à ses parents sur le chemin. On se sent enfin utile, puissant, surpuissant, héroïque. C'est autre chose qu'avec l'économie, le social, la politique où, là, « ça couac » et « ça couic», ça dysfonctionne, ça déprime. Les ex-otages du Ponant, il les a ramenés avec les dents de l'armée et à l'heure. Exceptionnellement, rien n'a raté. Du travail de « pro », parfaitement médiatisé.
Les otages libérés sont arrivés à l'heure pour le 20h, lundi à Orly. Il y avait tout ce qu'il faut, de l'émotion, des larmes, des sourires, des rires, des enfants petits et grands, et des papas et des mamans qui se prenaient dans les bras en s'étouffant de joie. Pas une fausse note, je vous dis. Il faut préciser qu'on n'avait invité ni Yama Rade ni Nathalie Kosciusko-Morizet, ni Martin Hirsch, mais le si discret ministre de la Défense, le furtif Hervé Morin qui a appris les techniques du camouflage militaire et sait se confondre avec les forces spéciales qui étaient là, en tenue léopard mais dissimulées juste comme il faut pour qu'on sente leur présence rassurante mais qu'on ne les voit pas trop. Chacun était à sa « juste » place dans ce scénario hollywoodien.
Le happy end fut envoyé comme une mécanique de précision, et l'envoyé spécial de TF1, sur fond d'Airbus floqué tricolore, pouvait souligner « la solennité de cet instant » où l'on célébrait une opération militaire « menée de main de maître ». « Vive l'armée, vive la France », entendait-on en écho ému du côté des otages libérés. Nicolas Sarkozy se faisait presque discret ! Il se contentait de quelques mots de félicitations. Les images parlaient pour lui…
On était touchés, on aurait cru du cinéma aux armées. Un feuilleton parfaitement mis en scène, et réglé à la militaire évolué, reformaté par Hollywood et les feuilletons américains. Il est vrai que l'armée n'a rien lâché, et surtout pas la caméra. Elle a feuilletonné l'affaire en faisant monter l'audience. Depuis que le voilier de super-luxe a été arraisonné par les pirates, ce furent ces forces supérieures qui ont eu la maîtrise des images et de la « com' ». Ils nous ont découpé l'ensemble en scénaristes de talent, avec du suspense, de l'action, des larmes. Le Ponant I, le Ponant II, le Ponant III, le Ponant IV, le Ponant V… Seules les interviews des parents d'otages étaient libres, et pour cause : elles relançaient l'intérêt. Les photos et les films de l'action de libération fonctionnaient à merveille. Pas un ratage, pas un grain de sable ni de maïs transgénique. Les mêmes mots revenaient toujours sur les radios et télés : « Une libération épique ».

Un film à la gloire de nos forces et de nos couleurs
L'armée écrivait les textes et fournissait les détails aux journalistes, comme celui du Figaro qui nous livrait un récit tout empanaché de cette opération militaire « menée de main de maître », encore ! Avec une précision digne du fusil MacMillan qui, avec une munition de 12,7 mm, a réussi à stopper le 4x4 des malandrins comme un buffle foudroyé en pleine course ou un hors-bord de trafiquants de drogue. Pas de bavure, même pas de missile dévastateur genre (Oncle) Sam-Sam pour écrabouiller ces mouches-pirates. Une opération chirurgicale parfaite. Une riposte proportionnée, réfléchie. Avec son commandant, son héros, le Président, qui a répété aux familles comme aux militaires : « Laissez-moi faire, j'ai l'habitude ». Rompez… On ne peut qu'admirer le travail. Même les seconds rôles ont été calibrés : le capitaine du Ponant en Capitaine Courage, la belle otage blonde, dont l'armée distribue la photo réalisée par le talentueux sergent Sébastien Dupont, c'est presque du Robert Capa (Non, je n'ai pas son numéro de téléphone à cette héroïne. Car, sur Internet, c'est la grande question : qui a son portable ? Là, il faut le demander à l'armée…).
Alors on ne peut que féliciter les artistes de la cellule de com' du ministère de la Défense qui ont su éviter toutes les questions gênantes (où sont passés les autres pirates ? Et le reste de la rançon ? Etc.). On peut souligner aussi que ce film à la gloire de nos forces et de nos couleurs tombe en pleine discussion budgétaire qui promet d'être âpre puisque La Tribune révèle aujourd'hui que 42.000 suppressions de postes sont envisagées. On ne va quand même pas rogner les ailes d'un coq qui chante si bien et si fort !
Il faut attendre aussi, pour très bientôt, la version ciné de ce feuilleton-télé qu'on appellerait « Ponant, le Barbare » ou « Ponant le Destructeur ». Avec, comme acteur principal, le Président Sarkozy lui-même. Même s'il en fait trop, le rôle est pour lui ! Carla Bruni enregistrerait la musique. On connaît déjà l'une de ses chansons qui pourrait servir : « Il faudrait que tout le monde réclame auprès des autorités une loi contre notre solitude »… et des moyens pour notre armée, bien sûr. Et cette superproduction sortirait juste au moment où on envoie nos troupes faire les pousse-cailloux en Afghanistan…

Idefix

la chronique de Nicolas Domenach, directeur-adjoint de la rédaction de Marianne.
Mardi 15 Avril 2008 -

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