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Avancer mais à quel prix
4 juillet 2008

Père Sarko ...

g22Bonjour,

Le président Sarkozy avait le beau rôle hier soir, sur nos écrans. Ce n’était guère un chef de l’Etat apparaissant sur les écrans pour s'adresser à son peuple, mais bien un homme ému, souriant, bienveillant et tout aussi familier avec les enfants de Madame Ingrid Bétancourt dont nous apprenions toutes et tous, avec joie, la libération, qu’il doit l’être avec les siens. Il tenait là en effet son plus beau rôle, jouant du paternalisme à nous tirer les larmes des yeux et oublier les rancoeurs accumulées depuis de long mois concernant notre pouvoir d’achat. Une mise en scène parfaitement diligenté par un homme soucieux de son image et est prêt à tout pour voir grimper sa popularité.

Samie.

Sarkozy, chef d'orchestre de l'émotion nationale ?
L'intervention de Nicolas Sarkozy était tout sauf spontanée : le Président a décidé de la jouer familiale pour la libération d'Ingrid Betancourt.

Enfin une bonne nouvelle, une très bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy qui semblait pris depuis plusieurs mois dans la spirale infernale de la scoumoune. Pas une semaine, pas un jour même, sans mauvaise surprise, comme si un sort funeste le poursuivait. Même le ballon ne tournait pas rond dans les pieds de l'équipe de France. Et sa présidence européenne était gâchée par ces cabochards d'Irlandais et d'Hollandais. Les Dieux étaient contre lui ! La libération d'Ingrid Betancourt ne pouvait mieux survenir. C'était la lumière dans la nuit que le Président espérait, le point d'appui pour soulever sinon le monde, au moins le désespoir qui alourdit les épaules et les paupières. Encore fallait-il bien s'en servir…
Nicolas Sarkozy croit à la contagion du bonheur pour faire face aux mauvaises ondes et à la tyrannie du malheur. Le moral se vitamine d'un rien. Les Dieux se retournent d'un souffle. A condition de savoir prendre le vent, d'être capable de démultiplier la force et l'impact du positif dans les têtes comme dans les cœurs. Et ça, le «médiacteur» Sarkozy, sait faire - mieux que personne. Il a donné, feuilletonné, une nouvelle preuve de son talent, dans une mise en scène faite non pas d'hystérie auto-promotionnelle cette fois, mais toute d'émotion, d'amour, de joie, de larmes retenues. Pas de triomphalisme, surtout pas, même si certains conseillers y poussaient. Genre, Vive Sarko le libérateur des infirmières bulgares à Ingrid Betancourt. Gloire à notre Zorro national. C'était risqué et pouvait passer pour obscène. Il valait mieux jouer le familial fusionnel. C'était à la télé hier soir…
Pas question évidemment de se souvenir que notre stratégie de libération hyperactive ne fut pas toujours la bonne. Hors de propos, bien sûr, de rappeler que le recours à Hugo Chavez fut maladroit, et que nous avions critiqué le président Uribe pour son intransigeance guerrière d'hier qui a permis la libération d'aujourd'hui. Nicolas Sarkozy le remerciera solennellement, majestueusement. Dans cet instant de liesse sentimentale, rien ne devait fâcher, il ne fallait pas rappeler les désaccords. Mieux encore, il était indispensable de rassembler, de célébrer, de féliciter et de pleurer. De l'émotion avant toute chose !
Regardez les images, écoutez les mots, nous étions dans la joie de circonstance, bien sûr, mais aussi dans la sentimentalité télé, mieux qu'à la Star Academy. C'était si fort. «Plus, ça ne serait pas possible !», comme ils disent.
Nicolas Sarkozy était entouré de la famille qu'il prenait dans ses bras, qu'il mettait en avant. Il était «de» la famille. D'ailleurs, quelle «familiarité» touchante dans les mots employés avec ce ton vibrant de soulagement, de tendresse : «je voudrais dire à Ingrid qu'on l'embrasse, qu'on est fier de son courage, qu'on est heureux pour elle…». Le président l'appelait «Ingrid», comme si c'était sa sœur. Il se l'est appropriée en homme qui s'est battu pour sa libération. Aux côtés des plus proches, mais aussi comme tous les Français qui «raisonnaient» ce soir d'abord avec leur cœur.
Le chef de l'État ne roulait pas des biscotos ; «Nicolas» ne faisait pas le faraud. Il ne tentait pas une impossible récupération de puissance. Pas de captation matamore d'une gloire militaire fort aléatoire. Non, Sarko le scénariste hollywoodien faisait du sentimentalisme spectaculaire à l'américaine. Il était l'officiant d'une communion publique, le chef de chœur d'un hymne familial à la joie, l'ordonnateur appliqué d'un spectacle édifiant et émouvant pour toute la France et les Français qui cultivent trop le pessimisme et la grognerie. Des râleurs, mais au grand cœur, qui lui rendraient grâce de sa ténacité et de son activisme !
Cette libération était bien une preuve, pour lui aussi, qu'il avait eu raison de s'accrocher à cet espoir, de s'en obséder, de s'agiter parfois si inconsidérément, au risque de laisser croire que la diplomatie française consacrait trop de ses forces à cet hypothétique sauvetage, sacrifiant certains de ses intérêts essentiels pour le sort d'une franco-colombienne qui s'était aventurée inconsidérément dans la jungle hostile. Les critiques, qui n'ont pas manqué, étaient balayées dans cette séquence fusionnelle et lacrymale. Avec cet acmé : les remerciements vibrants de Mélanie et Lorenzo qui saluaient les efforts du président «pour être parvenu à la libération de maman…». Ils n'ont pas dit «notre mère», mais «maman», ce qui rendait «Ingrid» plus proche encore d'eux tous.
Sarkozy ramassait la mise, et il avait misé gros dès le départ. Pourtant, personne ne pouvait l'accuser de récupération. On dira simplement qu'il a fait son boulot de chef de l'État… chef de l'information et chef de l'émotion nationale !
La gauche ne lui a rien reproché d'ailleurs. Pour ne pas se faire oublier, tous les contributeurs socialistes (seuls manquaient Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon) se sont réjouis de la libération. François Hollande, Bertrand Delanoë, Ségolène Royal, Laurent Fabius, Martine Aubry ont consommé dans l'émotionnel national. et Pierre Moscovici, lui, n'a pas rechigné à saluer «l'opiniâtreté» de Nicolas Sarkozy, alors que ses camarades ont préféré s'associer à la joie d'Ingrid Betancourt, de la famille et de tous ceux qui se sont battus pour sa libération. Les thuriféraires de l'Élysée n'ont pas hésité, eux, à balancer l'encensoir à l'image du porte-parole de l'UMP Dominique Paillé qui a trompété : «L'élément déterminant, bien sûr, a été l'opiniâtreté de Nicolas Sarkozy». L'élément déterminant ? Allons, allons… l'émotion leur aura brouillé les yeux et la tête.

Jeudi 03 Juillet 2008 par Nicolas Domenach du journal Marianne.

g22b

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